Elsa Revcolevshi, metteure en scène de 1re année du Groupe 48 initie un « laboratoire » avec une partie des acteur·rices de son Groupe pendant deux semaines, à partir d’extraits de L’Au délà de Didier Georges Gabily.
« A partir du roman l'Au-delà de Didier Georges Gabily, plongée d'un narrateur, Silencieux, au sein d'un groupe de personnes sans-abris résidant dans le métro parisien, je propose un laboratoire de recherche aux acteur·rices. Incarner ces personnes tombées au-delà des mots, en combattant les fantasmes, les répulsions que l'on nourrit à leur égard, en acceptant qu'il·elles puissent nous servir de point de départ pour un travail de transposition collective du roman. En partant d'improvisations, avec comme partition la langue gabilyenne, pour donner corps et voir à ceux qu'à l'habitude on s'aveugle pour ne pas voir. »
- Elsa Revcolevshi -
« Il ne se passe rien, c’est bien connu. Où il se passe trop de choses auxquelles, c’est bien connu, nous ne pouvons rien. Nous marchons sur des cadavres et continuons à tenter d’agir et de penser comme si nous n’étions pas ces marcheurs piétinant les cadavres de plus d’un demi-siècle de catastrophes, de défaites et d’abdications en tout genre. Aujourd’hui les cadavres peuplent jusqu’à nos propres rues. Cadavres de société libérale avancée-en-état-de-décomposition-avancé. Même pas besoin d’aller chercher en Bosnie l’excuse cadavéreuse de notre lâcheté, de notre incomplétude européenne. Ou en Algérie, celle de notre refoulé colonial au Rwanda. Non. Suffit de sortir de chez soi. Voici les signes qui permettent de reconnaître le cadavre de premier type : pue si l’on s’en approche, en général, la vinasse / en général, est vêtu de façon sommaire et sans goût /tient, en général, une pancarte sur laquelle est écrit en lettres capitales quelque chose qui a trait à / ou ne tient même plus de pancarte / a encore où se loger et tâche à se rendre invisible ou n’a plus à se loger et tâche à se rendre invisible, etc. Nous sommes les cadavres de second type ; nous sommes ceux qui marchons sur ceux-là pour survivre. Nous sommes ceux qui devont nous aveugler pour ne pas voir ceux-là qui, littéralement, nous crèvent les yeux ; qui devont nous aveugler pour survivre, sachant (ou ne voulant pas savoir) qu’il suffit d’un rien pour qu’à notre tour nous tombions et alors, pas de pitié. Nous survivons, nous piétinons, nous tournons en rond. Nous sommes la grande masse aveugle-obligée-de-s’aveugler. »
Cadavres si on veut, « À tout va » - Didier Georges Gabily