Le Groupe 47 (diplômé en juillet 2023) est réparti en deux équipes de création complètes sur deux projets initiés par les élèves metteur·e·s en scène.
Ici, les spectateur·rice·s devront choisir entre deux expériences théâtrales jouées simultanément. D’un côté Goethe et son pacte pour le savoir absolu ; de l’autre la réponse glaciale d’Elfriede Jelinek qui dissèque cet absolu, pretexte à la domination masculine.

Les deux élèves metteur·e·s en scène du Groupe 47 de l’École du TNS, Ivan Marquez et Mathilde Waeber, présentent leur projet personnel de 2e année avec les élèves de leur Groupe.

Texte Wolfgang von Goethe
Mise en scène et adaptation Ivan Marquez
Traduction Jean Malaplate
Dramaturgie et adaptation Alexandre Ben Mrad

Avec
Vincent Pacaud
Hameza Elomari
Charlotte Issaly
Vincent Pacaud
Naïsha Randianasolo
Thomas Stachorsky

Scénographie Jeanne Daniel-Nguyen
Lumière Charlotte Moussié
Costumes Valentine Lê
Création sonore Loïc Waridel
Régie générale Arthur Mandô
Conseil en littérature germanique Gregory Aschenbroich

Administration et diffusion Anaïs Calves*

SUIVI PÉDAGOGIQUE
Mise en scène Claire ingrid Cottanceau
Création lumière Philippe Berthomé
Scénographie Pierre Albert
Son Grégory Fontana

Les décors et les costumes ont été réalisés par les élèves scénographes et régisseurs avec l’aide de l’équipe des ateliers du TNS et de l’équipe pédagogique de l’École.
Tous les services du théâtre ont travaillé aux côtés des élèves.
* Élève de l’IEP de Strasbourg en partenariat avec le TNS

En relisant Faust, la pièce m’a semblé surannée à bien des égards et problématique sur des sujets brûlants aujourd’hui – alors qu’elle se voulait progressiste à l’époque. La représentation aujourd’hui des figures légendaires (le savant, le diable) mais surtout celle des femmes est un point de friction impossible à occulter. Le premier travail est de rendre la fable lisible pour se poser, avec le public, les questions qu’elle soulève autant sur le fond que sur la forme. Que dit une figure comme celle de Marguerite au XXIe siècle à la fois dans la tragédie qu’elle vit et dans la manière dont son auteur la représente ? Sans être dans une démarche d’actualisation ou de transposition il me semble important de se confronter aux limites du patrimoine théâtral, ce qui est encore vivant et ce qui est dépassé. Ce n’est qu’en entendant ces mots activer des corps d’aujourd’hui qu’on peut jauger cet écart. Les acteur.ices elles-mêmes doivent, à chaque fois, être à l’affût de cette étrangeté sans préjuger l’œuvre.

Le projet n’est donc pas de montrer une énième version de Faust – fidèle ou non – ni de faire un Faust 3 ou un anti-Faust. Le projet est de voir l’œuvre à travers les corps de jeunes artistes, avec leurs incompréhensions et leurs fantasmes. La langue de Gœthe, riche et dense, est un terrain de jeu pour retenter à chaque fois l’expérience de faire du texte une matière vivante. La scène doit fonctionner comme une estrade où s’expose la confrontation entre le présent et le signe mort. Dans cet esprit, le nombre d’acteur.ices est inférieur au nombre de personnages permettant une « conscience vivante et productive du fait qu’on est au théâtre » . Il faudra chercher, à chaque représentation, comment les corps des acteur.ices sont mis en tension par les grandes forces sociétales et philosophiques que la pièce dégage.

Volontairement sobre, la scène oblige aux acteur.ices à puiser dans leur imagination et dans la langue pour donner à voir la richesse de l’univers de Gœthe. L’espace est structuré par des objets disparates comme un grenier qui accumule les couches de l’histoire vivante du théâtre (des vieux fauteuils du théâtre de l’Odéon, du matériel médical et scientifique qui se confond parfois à des instruments de torture, des costumes de différentes époques et tous les outils de la scène). Faust est un terrain mille fois arpenté, avec des traces laissées par les hommes et femmes de théâtre qui s’en sont emparé. Nous, nous arrivons en dernière ligne et nous puisons dans les éléments constitutifs du théâtre.

Entre l’Urfaust, version de jeunesse de 1774, et la publication du Faust 1 en 1808, la langue de Gœthe s’est versifiée, elle est devenue plus dense et plus rigoureuse. Mais en même temps le texte, déjà riche en genres théâtraux qui se côtoient, se rallonge et laisse une très grande place au drame métaphysique et philosophique. En conséquence, la deuxième partie de la pièce communément appelée la tragédie de Marguerite, majeure dans la version de jeunesse, perd de son importance dans la version de 1808. J’ai voulu travailler sur une version élaguée et assouplie du texte canonique, inspirée de l’Urfaust, plus fragmentaire et donnant une plus grande place au personnage de Marguerite. Mais la langue académique de 1808, dans la traduction versifiée de Jean Malaplate, permet de faire de la distance qui nous sépare de l’œuvre une étrangeté féconde pour le théâtre.

- Ivan Marquez -